Il fallait s’y attendre : la coalition tripartite allemande a volé en éclats. À qui la faute ? Qu’importe ! Ce n’est pas à l’observateur étranger de distribuer des bons et des mauvais points. En revanche, c’est à lui qu’incombe la tâche de s’interroger sur le destin d’un pays qui en Europe, du premier de la classe, a, par ses propres erreurs, régulièrement régressé sur le continent. Aujourd’hui, il n’y a plus de modèle allemand, tant soit peu celui-ci aurait existé par le passé.
L’ancien Commissaire européen français, Thierry Breton, chassé de manière fort discourtoise de son poste par la présidente Ursula von der Leyen à Bruxelles, se trompe. L’économie allemande n’est pas celle du 20e siècle. En revanche, elle date de la décennie précédente, à l’heure où les rankings de tout poil décernaient à Angela Merkel la palme de la femme la plus influente du monde. Désormais, la presse internationale se ravive et corrige le tir. À l’image du très sérieux The Economist, l’ex-chancelière porterait une grande part de responsabilité dans la détérioration d’une politique qui, une nouvelle fois, aurait fait de la RFA l’homme malade de l’Union européenne. C’est bien connu : qui aime bien, châtie bien !
Mais, revenons à Thierry Breton. Somme toute, il a entièrement raison : l’Allemagne d’aujourd’hui vit sur un triptyque erroné, dépassé et particulièrement dangereux. Sur le plan stratégique, elle ne fait confiance qu’aux États-Unis ; son modèle commercial repose sur le marché chinois et son approvisionnement énergétique dépendrait de la Russie. Bref, quitte à pousser le bouchon un peu loin, l’Allemagne se réfère à trois modèles : à Trump, Xi Jinping et Poutine. Difficile de faire pire ou, si l’on préfère arguer dans des termes moins élégants, il ne faudrait quand même pas pousser la mémé européenne dans les orties de l’autoritarisme de ces trois sinistres personnages.
Et c’est à cet instant que ce même observateur étranger est en droit se saisir de sa plume. Non pour prononcer un réquisitoire antiallemand, mais pour mettre en garde un pays qui se trouve sur la mauvaise pente. À force de toujours vouloir avoir raison par définition, la République fédérale a tort. Ce n’est pas en réduisant à tout va ses dépenses qu’elle pourra s’extirper de la récession dans laquelle elle s’est laissé entraîner ces deux dernières années. En lieu et place de mettre le pied sur le frein à l’endettement, érigé au rang de totem idéologique d’État, elle ferait bien mieux d’investir là, où elle en a urgemment besoin. Et là, les exemples se ramassent à la pelle. Se rendre en train pour assister à un colloque dans les bâtiments défraîchis d’une université allemande, en dit souvent plus long qu’un quelconque traité scientifique au vocabulaire volontairement abscons !
Qui connaît bien l’Allemagne, le sait : à maints égards, elle risque de se faire doubler par plus malin qu’elle. Faute d’avoir su innover, elle n’est plus aussi compétitive qu’elle ne l’a été. Pourtant, elle n’en prend pas conscience. Dans son for intérieur, elle refuse de s’inspirer de l’extérieur. Jusqu’à ce qu’elle commence à trembler, à l’instar de la crise sans précédent que sont en train de vivre des pans entiers de son industrie. Telle, la fermeture prévue d’au moins trois usines Volkswagen sur son territoire. Impensable il y a encore trois ou quatre ans, cette décision est symbolique du déclin économique et social de la République fédérale.
Et pendant ce temps-là, les partis politiques se chamaillent pour des broutilles. Ce fut déjà le cas sur la date des élections, cela le sera aussi sur les postes que l’un ou l’autre d’entre eux souhaiterait occuper au sein d’un futur gouvernement, dont personne ne peut deviner à l’heure actuelle sa composition. Comme en France, il n’existe aucune véritable majorité qui se dessine à l’horizon. Et que la CDU/CSU puisse arriver largement en tête au soir du scrutin, n’y changera rien. En cas de défaite prévisible, le SPD n’a aucun intérêt de rejouer la partition du junior partner au sein d’une grande coalition, alors que les Verts sont d’ores et déjà déclarés persona non grata par Markus Söder, soit par le président des chrétiens- sociaux bavarois. Quant à la fameuse culture du compromis à l’allemande, elle ne peut plus faire abstraction de la présence de l’extrême droite, représentée par l’AfD, et de l’existence du BSW, à savoir du Bündnis Sahra Wagenknecht qui, par sa référence au culte de la personnalité, fleure bon les années bénies du stalinisme triomphant !
L’Allemagne va mal. Et rien ne dit que les élections à venir de 2025 lui offrent la solution miracle. D’un Miraculix allemand (les amateurs germanophones d’Astérix apprécieront), on est toujours très éloigné. D’autant que les Allemands font fi des défis européens qui se posent aux vingt-sept États membres de l’UE. L’accueil réservé par les dirigeants berlinois au rapport Draghi fut glacial. Pour eux, pas question de relancer l’économie du vieux continent par un fond public d’investissements d’une hauteur de 800 milliards d’euros. Au mieux, il ne pourrait être financé que par les épargnants, conformément à la résolution prise à la va-vite lors du sommet de l’UE début novembre à Budapest. Quant aux propositions formulées par Enrico Letta pour réinventer le fonctionnement des institutions européennes, l’Allemagne n’en parle quasiment pas. Voilà qui est de mauvais augure pour la République fédérale. Mais, plus encore pour l’Europe, ce qui est incommensurablement plus inquiétant. Notamment au moment crucial, où cette même Europe ne peut plus se contenter de belles paroles pour défendre l’Ukraine, pour se défendre elle-même et pour ne pas tomber ipso facto dans l’escarcelle pourrie des Chinois, des Russes et des Américains trumpisés.
Kurz und kräftig. Die wöchentliche Dosis Aussenpolitik von foraus, der SGA und Caritas. Heute steht Aserbaidschans Beziehung zu Russland im Fokus. Einst postsowjetische Verbündete, distanziert sich Aserbaidschan seit 2020 zunehmend vom Einfluss des Kremls. Nr. 483 | 12.08.2025
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