À environ deux semaines de la vingt-et-unième élection au Bundestag, rien de mieux que de décrire son mode d’utilisation. Non seulement pour comprendre son déroulement, mais aussi ses enjeux. Mot peut-être des plus intelligents de la langue française, ce pense-bête n’est pas là pour persuader ses lecteurs, mais pour éclairer leur lanterne sur certains aspects souvent sous-estimés, voire passés sous silence par nombre de protagonistes.
Bien que lapalissade politique, cette première remarque revêt une importance cruciale : les élections allemandes du 23 février 2025 sont un scrutin parlementaire. Leur résultat définitif ne tient pas définitivement compte des pourcentages et des suffrages exprimés, mais uniquement de la répartition des sièges attribués à chaque parti au sein du parlement. C’est d’elle que dépend la formation des coalitions dont leur composition à venir est aujourd’hui plus difficile à prévoir que ce ne fut le cas lors d’autres échéances électorales. Quatre formations sont d’ores et déjà sûres de se retrouver dans l’enceinte du Reichstag : la CDU/CSU, le SPD, les Verts et l’AFD. A contrario, deux autres, les Libéraux du FDP et les néo-communistes de La Linke, tremblent à l’idée de ne pas refranchir la barre des 5% ou de ne pas arriver au moins en tête dans trois circonscriptions. Quant au sort du Bündnis Sahra Wagenknecht, il ne tient qu’au fil de quelques milliers de voix, dont nul ne prédit pour l’instant le chemin qu’elles prendront. C’est de la mathématique pure ou, si l’on préfère de la science exacte. Et c’est d’elle que naîtra, au lendemain du 23 février, l’image du nouveau Bundestag allemand. Qu’il soit composé de quatre, cinq, six ou sept partis, voilà qui aura une incidence de tout premier plan sur l’avenir politique de la République fédérale d’Allemagne. En d’autres termes, cela changera de fond en comble la donne du problème pour trouver une majorité stable.
C’est une certitude : aucun groupe n’est en mesure de diriger à lui seul la RFA dans les quatre ans à venir. Cela n’est arrivé qu’une seule fois, entre 1957 à 1961, sous Konrad Adenauer. Mais, non seulement depuis cette date, les Allemands n’aiment pas les gouvernements monocolores. Comme d’habitude, il faudra avoir recours à des alliances. Selon les sondages, l’une d’entre elles est d’ores et déjà assurée d’obtenir une majorité au parlement. Connue sous le nom de « la Grande coalition », elle réunit les chrétiens- aux sociaux-démocrates. Actuellement, celle-ci a les faveurs des pronostics. Autre cas de figure, quoique jamais instauré sur le plan fédéral, mais déjà à plusieurs reprises au niveau des Länder, celui d’un pacte noué entre la CDU/CSU et les Verts. Plus qu’envisageable, il n’est toutefois pas encore entièrement sûr de pouvoir compter sur un nombre supérieur à 50% de députés. Enfin, il existe d’autres scénarios peu ou pas du tout vraisemblables. Ainsi, l’idée de voir les Liberaux du FDP rejoindre les conservateurs et les écologistes est très improbable. Pas besoin non plus d’émettre la moindre hypothèse sur un gouvernement futur avec le SPD, les Verts et l’AFD : voilà qui revient à sombrer dans le pur délire. De même, rien ne sert de tomber dans la psychose : une coalition avec la droite et l’extrême droite, soit entre la CDU/CSU et l’AFD, n’est pas à l’ordre du jour. Pour le moment, tout au moins !
En effet, il ne faut pas accorder trop de crédit aux quelconques déclarations sur l’honneur qui risquent de ne durer que le temps d’un instant. Dans les mois à venir, la CDU/CSU ne s’alliera pas à l’AFD. Elle fera tout pour l’éviter et cherchera à assurer son pouvoir sur sa gauche avec le SPD et les Verts. Mais, comme dans tout mariage, il y a risque de divorce. Et celui-ci est beaucoup plus manifeste avec Friedrich Merz qu’il n’a pu l’être dans le passé avec Angela Merkel. Le premier nommé n’a jamais caché ses sympathies pour la droite de son parti et son programme économique, d’inspiration financière et managériale, est à des années-lumière de tout approche sociale et écologique. D’ailleurs, les plus anciens d’entre nous s’en souviennent. Dès l’an 2000, l’actuel prétendant CDU au poste de chancelier avait relancé le débat identitaire allemand, préconisant « une culture directionnelle » pour son pays, appelée non sans un sens délicat de la rhétorique « deutsche Leitkultur ». Depuis lors, ses convictions n’ont pas changé d’un iota. S’il ne devait pas faire d’énormes concessions à ses futurs partenaires, qu’ils soient sociaux-démocrates ou Verts, ceux-ci seraient en droit de paraphraser Molière et de se demander « mais que diable, allions nous faire dans cette galère ! ». Pour Robert Habeck et ses amis, le jeu en vaut peut-être la chandelle, car ils pourraient se retrouver dans une position de force pour faire plier les chrétiens-démocrates sur quelques dossiers annexes. Néanmoins, ceux-ci ne cèderont pas sur les questions concernant l’immigration, les dépenses militaires ou le recours à l’énergie nucléaire. Quant au SPD, une cure d’opposition lui ferait le plus grand bien. À l’exception de la période située entre les années 2009 et 2013, il n’a cessé de gouverner l’Allemagne depuis 1998, soit avec ses deux chanceliers Gerhard Schröder (1998-2005) et Olaf Scholz (2021-2025), soit durant douze ans aux côtés d’Angela Merkel. Aujourd’hui, il n’a pas grand-chose à gagner d’un retour d’une Grande coalition dirigée, de surcroît, par un Friedrich Merz qui n’a rien d’une « nouvelle Mutti ». Depuis son départ, République fédérale a bel et bien changé et pas toujours dans le bon sens !
Tôt ou tard, celle-ci aura les yeux tournés vers son voisin autrichien. Ce qui pourrait s’y dérouler est très inquiétant. Sous les coups de boutoir de l’aile droitière et économique de son parti conservateur (ÖVP), le chancelier en place Karl Nehammer, à la tête d’une coalition avec les écologistes, a été forcé à la démission. Il sera certainement remplacé d’ici peu par Hebert Kickl, un « Volkskanzler » autoproclamé dont l’ancrage à l’extrême droite ne prête à aucune discussion. En sera-t-il de même un jour en Allemagne ? Est-elle sous la menace d’une « austroisation » de sa politique ? En tout cas, la question mérite d’être posée, tant les déclarations d’intention de Merz laissent planer un doute sur leur sincérité. Les événements de ces dernières semaines ont en effet ouvert quelques brèches qu’il sera obligé de combler. Partisan d’une Europe forte, le chef de la CDU n’est toutefois pas à l’abri de dérives nationalistes. Il devra faire nombre de concessions, s’il veut redorer le blason d’un pays qui, ni sur le plan économique, ni international et européen n’a pas particulièrement brillé ces dernières années. À l’heure de nouvelles incertitudes mondiales et européennes, rien ne serait pire que de céder à la tentation de Vienne. Bruxelles, Paris, mais aussi Berne lui en tiendraient rigueur !
Deux jours après la parution de cet article, Herbert Kickl a remis son mandat pour composer un gouvernement à Vienne, suite à la rupture des négociations avec les conservateurs du ÖVP. De ce fait, l’avenir politique de l’Autriche demeure très incertain.
Kurz und Kräftig. Die wöchentliche Dosis Aussenpolitik von foraus, der SGA und Caritas. Heute steht der neu entbrannte Grenzkonflikt zwischen Thailand und Kambodscha im Fokus. Ende Mai eskalierten die jahrzehntelang anhaltenden Spannungen, weshalb die Nachbarländer seither Druck aufeinander ausüben. Nr. 482 | 15.07.2025
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